Une campagne électorale en saison estivale

800px-Drapeau_du_QuébecLe projet de loi no 3 – Loi modifiant la Loi électorale afin de prévoir des élections à date fixe (PL.3) ne fait que 4 pages pour un total de 7 articles, mais en quoi celui-ci mériterait-il que l’industrie touristique et les Québécois y portent une attention particulière?

Il fait partie de la panoplie d’efforts que le gouvernement s’est engagé à mettre en place pour tenter de redonner confiance à la population en sa classe politique et de briser le cynisme ambiant. Dans le coffre à outils du gouvernement, il y a actuellement la Loi 1 sur l’intégrité en matière de contrats publics et la Loi 2 qui consiste à réduire la limite des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement des partis politiques. Deux lois qui sont directement liées aux travaux de la commission Charbonneau. Et enfin, la Loi no 13 concernant le vote des étudiants dans les établissements d’enseignement postsecondaire (cégep, université…)

Une campagne électorale en été

Le PL.3 prévoit des élections générales à date fixe au quatre ans et le jour du scrutin le premier lundi du mois d’octobre, donc en théorie les prochaines élections générales au Québec tomberaient le lundi 3 octobre 2016.

Là où le bât blesse, c’est que le jour du vote serait précédé par une campagne électorale qui durerait entre 33 et 39 jours, faites le décompte nos élus seraient sur le paillasson de nos portes à partir du 25 ou 31 août. Donc, en pleine période de vacances qui s’étire jusqu’à la fin de septembre pour de nombreux Québécois et aussi à la veille de la fête du Travail, un long weekend important pour l’industrie touristique et c’est sans compter le retour en classe des étudiants avec tout ce que cela comporte en préparatifs.

De plus, il ne fait aucun doute dans mon esprit que les préparatifs de la campagne auront bons trains bien avant cette date. Ballons électoraux et toutes les stratégies employées par les partis en lice, n’attendrons pas le coup de départ du directeur général des élections, sauf en ce qui a trait aux dépenses électorales, commission Charbonneau oblige. J’imagine aussi les firmes de sondages qui vont sûrement profiter de l’avantage d’élections à date fixe pour planifier des sondages et enquêtes d’opinions de tous acabits au point d’en avoir une indigestion…estivale. Même nos politiciens, leurs équipes et les bénévoles n’auront pas la tête aux vacances. Les slogans des partis sillonneront les routes du Québec. À vous chers touristes et excursionnistes québécois de les ramasser au passage.

Un choix de date pas facile

Louis, du calme! me direz-vous, une fois au quatre ans et encore dans un contexte d’un gouvernement minoritaire, situation qui risque de se reproduire régulièrement, le calendrier proposé par le projet de loi va souvent être chamboulé, par exemple à la suite de la chute d’un gouvernement minoritaire. Peut-être, mais l’industrie touristique doit déjà vivre avec une multitude d’impondérables; les conditions météorologiques, les taux de changes et j’en passe, pourquoi en rajouter?

De plus, j’aimerais bien pouvoir me la couler douce en bonne compagnie sur une terrasse quelque part au Québec en dégustant une blanche d’une microbrasserie québécoise, sans aucune affiche électorale dans mon champ de vision. Je soupçonne nos politiciens et politiciennes d’avoir comme désirs coupables les épluchettes de blé d’Inde et les BBQ et de vouloir s’assurer de les partager avec le maximum d’électeurs potentiels.

Pourquoi prendre le risque de débuter une campagne électorale à cette période de l’année, qui consiste en quelque sorte à un dernier sprint pour l’industrie touristique pour clore la saison estivale et à entamer celle de l’automne avec un bon départ? Rappelons aussi que les Québécois représentent 87.4% de nos visiteurs (touristes et excursionnistes confondus).

Les dates du 26 septembre, 10 octobre et du 7 novembre ont été proposées et rejetées. De même, que le 31 octobre, le jour de l’Halloween, je m’imagine aller voter en déguisement d’anaconda et de voir la tête du directeur du bureau de scrutin. Une citrouille avec ça? Le bordel que je vous dis. Le 17 octobre n’a pas fait l’objet de discussion sûrement parce que les élections au fédéral sont aussi au quatre 4 ans, le troisième lundi d’octobre.

Une suggestion, choisir une date de scrutin en octobre ou en novembre dans la mesure que la compagne électorale « officielle » commencerait après la fête du Travail.   

Un projet de loi historique pour le Québec

Le projet de loi 3 en statuant sur des élections générales à date fixe est important dans l’histoire parlementaire du Québec. Nous rejoignons le palier fédéral et la majorité des provinces qui appliquent déjà la formule. Il en est de même pour les municipalités et les commissions scolaires du Québec.

Le PL.3 à ses limites, par exemple, c’est actuellement le premier ministre ou plutôt la première ministre qui a la prérogative de déclencher les élections au moment jugé opportun par le gouvernement et de demander au lieutenant-gouverneur de dissoudre la chambre. Vous admettrez avec moi que cette dernière étape revêt un caractère particulier pour un parti souverainiste. Le PL.3 ne balise pas les pouvoirs de la première ministre de déclencher des élections, donc que le gouvernement soit minoritaire ou majoritaire la première ministre a toujours l’autorité de déclencher des élections. Toutefois, moralement elle ne devrait pas le faire pour des raisons purement stratégiques et électoralistes.

Il ne fait aucun doute que tous les partis politiques qui ont été à la tête du gouvernement au Québec ont utilisé à des fins stratégiques le pouvoir, que confère la constitution canadienne de 1867 aux premiers ministres du pays et des provinces, de déclencher des élections au moment jugé opportun, pour ne pas dire stratégique.

Sur ce point, M. Harper a démontré jusqu’à quel point son gouvernement pouvait faire fi de la démocratie la plus élémentaire. Quand le fédéral a adopté le calendrier des élections à date fixe au quatre ans en 2007, cela n’a pas empêché le gouvernement Harper, alors minoritaire, de déclencher des élections générales le 14 octobre 2008. Pour ce qui est de respecter l’esprit de la Loi on repassera.

La démocratie gagnante?

Malgré les limites du projet de loi et le choix de la date retenue, il faut reconnaître au gouvernement Marois le mérite de respecter son engagement électoral, comme pour la CAQ d’ailleurs, de fixer la date des élections et par le fait même d’encadrer, du moins moralement, le pouvoir discrétionnaire du chef du gouvernement de déclencher des élections générales.

Les élections sans date fixe comme c’est le cas actuellement sont définitivement dans l’intérêt du parti politique au pouvoir, alors que celles avec date fixe sont dans l’intérêt du gouvernement et la nuance est importante. Cette dernière formule a aussi l’avantage de rappeler que si c’est le parti politique qui gagne les élections, c’est le gouvernement qui gouverne pour l’ensemble des citoyens. Trop souvent dans l’histoire politique du Québec, le parti politique au pouvoir s’est substitué au gouvernement selon l’intérêt du moment.

Le projet de loi redonne les élections aux citoyens selon Bernard Drainville, parrain de la Loi. Je n’irais pas jusqu’à là, mais un grand pas a été fait. Le processus électoral sera désormais plus transparent, et plus équitable pour l’ensemble des partis. Tous seront sur la ligne de départ au même moment. De plus, le directeur général des élections prévoit des économies d’environ 2 millions de dollars par élection étant donné qu’il n’aurait plus de faux départ à gérer et que la planification des élections serait simplifiée. Par les temps qui courent, c’est le type d’économie qui est bienvenue.

Il faut bien conclure

Gil Courtemanche dans son livre, La seconde Révolution tranquille, démocratiser la démocratie, de chez Boréal. Rappelle que, «Le citoyen n’est pas l’habitant de la cité ou de la ville, il est propriétaire de la cité. »  Voilà le nœud du problème, l’État agit comme si la société lui appartenait, alors que c’est le citoyen qui est propriétaire de l’État et de la cité (voir texte : mes élections). Ce projet de loi nous permet de nous réapproprier un peu plus l’État ou la cité.

Il ne faudrait pas oublier que les Québécois et les entreprises touristiques aimeraient bien que leurs rendez-vous avec l’été soient aussi pris en considération. L’un n’empêche pas l’autre.