LA GOUVERNANCE TOURISTIQUE À TRAVERS LE MONDE (Gouvernance touristique: prise 2)

dreamstime_xs_32377103Comprendre la gouvernance touristique passe parfois par une meilleure connaissance de la situation dans le monde. L’OCDE a réalisé une étude ; « Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 20121 » qui porte sur 51 pays, dont tous les pays membres de l’OCDE (34 pays) et de l’Union européenne. 

L’OCDE souligne «  le rôle central joué par la gouvernance, compte tenu du caractère transversal du tourisme ». Ce qualitatif illustre bien les défis et la complexité de l’industrie touristique. En voici un tour d’horizon. Note : Le texte porte essentiellement sur les chapitres 1 et 4, sur la gouvernance du tourisme dans les pays de l’OCDE et sur le profil par pays.

 

La tendance pour le renouvellement des modèles de gouvernance est inexorable afin de «  traduire les évolutions du monde des affaires et celles de l’action publique, ainsi que les mutations des rôles et des compétences des organismes du tourisme », selon l’OCDE. Ajoutons que la nécessaire mutation des rôles et compétences des acteurs touristiques s’explique en partie par l’impact des changements de comportements des consommateurs et de l’évolution des technologies de l’information. Nous y reviendrons dans un autre texte. 

La lecture d’une étude de l’OCDE nécessite de repositionner le Québec dans le bon niveau de gouvernance par rapport à l’échelle territoriale des pays (national/fédéral) de l’OCDE. Le Québec (provincial) est  du niveau  infranational à l’échelle des pays de l’OCDE, mais sa gouvernance a plusieurs traits en commun avec le modèle de plusieurs pays. 

LES DÉFIS D’UNE SAINE GOUVERNANCE 

C’est ainsi que les principaux défis des pays, pour une bonne gouvernance, peuvent s’appliquer sans difficulté au Québec de même qu’aux niveaux régional et local. 

  1. La coordination horizontale et verticale : Dans une industrie morcelée, multisectorielle, multiniveaux et qui exige une étroite collaboration entre le public, l’associatif et le privé, la coordination est le principal défi à relever, selon la majorité des pays qui ont répondu à l’enquête de l’OCDE;
  2. Les contraintes financières : C’est sans conteste le deuxième défi, selon les trois quarts des pays de l’OCDE;
  3. La nécessité d’une définition claire des rôles : Le manque de clarté dans la définition des compétences, des responsabilités et des rôles et l’ambiguïté qui en résulte contribuent à limiter la coopération;
  4. La mise en œuvre d’une stratégie touristique : C’est l’approche privilégiée par de nombreux pays, pour impliquer et coordonner les parties prenantes, afin de « concrétiser une approche gouvernementale intégrée en matière de tourisme ». 

LES PRINCIPAUX INGRÉDIENTS D’UNE SAINE GOUVERNANCE EN TOURISME 

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Les auteurs de l’étude soulignent que « de bonnes pratiques de gouvernance peuvent contribuer à faciliter une approche gouvernementale intégrée du tourisme ». Par approche intégrée l’étude sous-entend que la complexité de l’industrie touristique sa plateforme autant horizontale que verticale nécessite de la part de l’État la mise en place d’outils qui permet de répondre à cette réalité : 

  • C’est ainsi qu’au niveau infranational les administrations ont deux types d’organisations de gestion du tourisme :
    1. Un ministère ou un organisme public (ou société d’État) responsable des orientations et de la gouvernance tout en assurant l’interface avec les autres ministères concernés par le tourisme;
    2. Un organisme de gestion des destinations (OGD ou DMO dans la langue de Shakespeare) qui coordonne un éventail complexe de parties prenantes (publiques et privées)  et d’enjeux en constante évolution et qui peut prendre différentes formes de partenariat (ppp,  etc.).
  • La création de comités interministériels pour pallier à la difficulté d’articuler une politique touristique à celle des autres ministères. C’est d’ailleurs le cas de Tourisme Québec;
  • L’intégration des administrations du tourisme à des ministères plus larges et à saveur économique est un modèle de plus en plus utilisé dans les pays étudiés. C’est la situation au Québec. Tourisme Québec fait partie du ministère des Finances et de l’Économie;
  • La nécessité d’une solide articulation entre les politiques régionales et les actions au niveau local;
  • L’assurance d’une stabilité financière de la filière touristique dans l’économie nationale. « Une planification à long terme est un élément indissociable de la bonne gouvernance, mais souvent les organismes responsables du tourisme subissent des fluctuations budgétaires ce qui rend difficiles la planification, l’évaluation et la gestion des performances. Ces fluctuations peuvent également entraîner une rotation du personnel et une perte d’expertise ».
  • Une meilleure définition des rôles, des compétences et des  responsabilités des organismes de tourisme. Par exemple, en  France, il y a une définition de la répartition des compétences entre les différents niveaux de gouvernements;
  • Le recours à des contrats pour définir les résultats attendus et les rôles des parties prenantes. Il s’agit de convenir d’objectifs à atteindre, des moyens pour y arriver et des conditions d’évaluations des résultats. Au Québec, il y a de nombreuses ententes qui lient Tourisme Québec, avec entre autres, les associations touristiques régionales (ATR) et les associations touristiques sectorielles (ATS);
  • L’élaboration d’une stratégie nationale du tourisme. Le plan de développement de l’industrie touristique québécoise  2012-2020 est une tentative dans ce sens;
  • La création d’un organisme leader représentatif du tourisme, pouvant être composé d’organisations représentant différents secteurs. Cette démarche présente notamment l’avantage d’éviter aux pouvoirs publics de devoir négocier avec de multiples organisations et de transférer à l’organisme leader la responsabilité de l’élaboration d’une position stratégique unique pour le secteur privé;
  • À cela s’ajoute :
    • Le renforcement des institutions et des ressources humaines;
    • L’attribution d’objectifs bien définis;
    • L’établissement de mandats clairs aux organismes publics;
    • Un leadership et un soutien politique efficace. 

L’étude fait aussi ressortir une réalité incontournable, la nécessité pour les destinations touristiques de quelques niveaux que ce soit de revoir et d’adapter leur gouvernance en fonction  « des mutations affectant l’environnement des entreprises et le cadre d’action publique, et refléter l’évolution des rôles et des compétences des organisations ». 

Les auteurs de l’étude ajoutent que les changements de contexte de la politique macroéconomique favorisent une approche plus collaboratrice, encourageant l’élaboration de mesures en liaison avec la filière touristique, et un processus de prise de décision plus axé sur l’échelon régional ou local. Il s’agit d’atteindre un équilibre entre la fédération des enjeux et la décentralisation des prises de décisions. 

COLLABORATION ET GOUVERNANCE, DEUX INSÉPARABLES

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La collaboration entre les acteurs touristiques est un ingrédient essentiel dans une saine gouvernance. Celle-ci se développe en plusieurs étapes selon l’étude :

  1. L’identification d’objectifs communs et la reconnaissance par les acteurs impliqués de leur interdépendance;
  2. La définition des orientations à suivre et le partage de la prise de décision entre toutes les parties prenantes rassemblées derrière un leader;
  3. La formalisation des solutions compatibles avec les exigences de chacune des parties prenantes;
  4. Les parties prenantes sont contraintes de réduire les enchevêtrements et d’envisager des compromis entre différents domaines d’interventions;
  5. La création d’associations représentatives et d’OGD au niveau infranational  qui constituent une enceinte de coopération et d’orientation d’action publique. 

Ce type de gouvernance ou de collaboration structurée exige d’après les auteurs, un partage explicite ou implicite des pouvoirs de décision, des responsabilités, du développement et de l’exécution des politiques entre les différents niveaux administratifs et territoriaux, notamment :

  • entre les différents ministères ou organismes publics (partage horizontal et vers le haut);
  • entre les différents échelons des administrations relevant des niveaux de gouvernement local, régional, provincial, nationaux et supranationaux (partage vertical);
  • entre les différentes collectivités locales et dans notre cas aussi régionaux (partage horizontal et vers le bas)

Nous voilà au cœur de la réalité transversale de l’industrie touristique. 

LES OGD 

Les OGD sont l’une des composantes majeures d’une gouvernance efficace au niveau infranational en évitant, entre autres, les doublons au niveau de la promotion, formation et des services offerts à la clientèle comme aux entreprises. 

La délimitation de leurs champs de compétence devrait d’une part tenir compte des économies d’échelle potentiellement réalisables sur la fonction marketing et sur l’organisation, et d’autres parts refléter les graphiques de déplacements des voyageurs, toujours selon l’OCDE. 

Pour l’OCDE, la performance de la planification et de l’élaboration de la politique du tourisme exige la délimitation des frontières d’une destination et, partant, la compétence de l’OGD susceptible d’être en charge de sa promotion et de sa gestion. Dans certains pays, dont l’Autriche et la Suisse, les gouvernements encouragent le regroupement de plusieurs petits OGD au sein d’unités plus grandes et plus efficientes, dont la taille coïncide avec le périmètre d’activité des touristes vacanciers. 

EN FINALE 

La lecture de l’étude de l’OCDE permet de saisir le rôle central joué par la gouvernance, au sein d’une industrie aussi complexe que la nôtre. L’enquête rappelle aussi la nécessité d’être constamment à l’affût de l’évolution des conditions dans lesquelles évolue le tourisme afin de s’assurer que le modèle de gouvernance y soit adapté. 

Mon prochain texte sera un abrégé historique des tentatives et des tentations pour renouveler le modèle de gouvernance touristique au Québec depuis 1927; un retour dans le passé qui pourrait nous faire réfléchir pour l’avenir;  agence, zones touristiques, ministère, société d’État, etc.

1OCDE (2012), Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 2012, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/tour-2012-fr