La Société de l’industrie touristique du Québec (SITQ), pour un management de la destination à redéfinir

dreamstime_s_8832566Un texte inédit du rapport Rozon proposait pour réflexion, un nouveau modèle de management qui reposerait sur la création d’une société d’État en tourisme, afin de répondre  à une des conclusions du rapport : « Il y a clairement une insatisfaction fondée vis-à-vis du mode de management (gouvernance) actuel de notre industrie touristique. Les membres du comité estiment que celui-ci est à revoir et qu’un examen sérieux doit être réalisé à court terme ». *Rapport du Comité de performance de l’industrie touristique (CPIT) (mai 2011).

MISE EN CONTEXTE AVEC UN BREF RETOUR EN MAI 2011

Pourquoi ce retour dans l’histoire de deux ans et demi sur une partie d’un rapport (http://www.aqit.ca/dynamique/files/version-finale-20-mai-2011-v2.pdf) qui n’a été partagé que par un petit nombre de personnes? Parce que, je suis convaincu qu’il est essentiel de partager cette portion des travaux sur la gouvernance, afin d’améliorer la compréhension de tous sur cet enjeu. De plus, parmi tous les rapports qui ont été publiés et qui ont abordé la gouvernance, c’est le plus récent et le plus affirmatif sur la nécessité d’améliorer notre modèle de management de la destination.

Par souci d’efficacité, il fut décidé dès la première rencontre (septembre 2010) du comité Rozon, de créer des sous-comités de travail. Me voilà donc assis entre deux entrepreneurs, moi qui suis de l’associatif. Alain April du Château Bonne Entente d’un côté et Yan Hamel des Croisières AML de l’autre. Le premier était Président de l’AQIT à l’époque, le deuxième en est le Président aujourd’hui. Maurice Couture, consultant à GPS Tourisme complétait notre groupe. Notre mandat consistait à faire une réflexion sur le management de notre destination.

Nous avons pris le dossier à bras de corps. Après avoir convenu de  l’approche pour aborder un sujet aussi complexe que délicat, nous avons travaillé selon deux axes. D’un côté Alain, Yan et moi avons rencontré des joueurs de l’industrie (une quinzaine) pour connaître leurs avis sur le modèle de gouvernance de l’industrie. Ex-ministre du Tourisme, sous-ministre,  entrepreneurs, consultants, des joueurs de l’associatif et j’en passe, ont été rencontrés. Tandis que Maurice faisait une analyse comparative de notre modèle avec une quinzaine d’autres destinations au Canada comme dans le monde.

LA RÉFLEXION SUR LA PROPOSITION POUR LA CRÉATION D’UNE SOCIÉTÉ D’ÉTAT

L’élaboration du modèle proposé reposait sur certaines balises, entre autres :

  • La clientèle touristique doit être au cœur de la réflexion et du modèle de gouvernance;
  • Le modèle doit être adapté aux réalités des entrepreneurs, des entreprises, des différents secteurs de l’industrie et des régions ;
  • Le modèle touristique doit être élaboré dans les limites actuelles du modèle de gouvernance de l’État.

Le comité recommandait que :

    • Le modèle de management à définir mise sur une direction forte au niveau de la destination ralliant les intervenants touristiques et misant sur un partenariat entre entrepreneurs privés, associations de l’industrie et gouvernement, qui soit profitable.

À cela s’ajoutent, les prémisses de base du modèle, avec entre autres :

    • Une mission au niveau provincial visant à unifier et à rendre cohérente les actions des partenaires privés et publics. 

Pour le modèle, le rapport proposait une approche de management intégrant les 5 activités  de la chaîne de production touristique :

    1. L’intelligence des marchés et produits;
    2. La structuration et le développement de l’industrie (concertation des acteurs);
    3. Le développement de l’offre et des produits touristiques;
    4. Le marketing;
    5. L’accueil, l’information et le service à la clientèle.

Une structure organisationnelle reposant sur des principes de gouvernance éprouvés :

    • Participation, imputabilité, clarification des rôles et responsabilités et cohérence, etc.
    • Une révision du modèle d’affaires des associations et organisations des différents échelons les conviant, avec une échéance réaliste, à plus de complémentarité et d’efficience, notamment en raison du contexte des finances publiques.

Et enfin, le comité recommandait :

    • D’accorder un fondement juridique au nouveau modèle de management en le dotant d’une Loi sur le partenariat en tourisme.

dreamstime_s_26477685LE RÉSULTAT DE LA RÉFLEXION :

LA SOCIÉTÉ DE L’INDUSTRIE TOURISTIQUE DU QUÉBEC (SITQ)

 

1) Le Tourisme relèverait d’un ministère à vocation économique. Comme c’est le cas actuellement avec le ministère des Finances et de l’Économie

2) Tourisme Québec verrait ses mandats concentrés sur :

    • Le législatif / réglementation;
    • Politique;
    • Budget et fiscalité;
    • Coordination interministérielle;
    • Entente fédérale/provinciale;
    • Les autres sociétés d’État (RIO, etc.);
    • Dossiers majeurs.

La taille de Tourisme Québec aurait été réduite selon des dispositions transitoires, inspirées du projet de loi (23) du 17 juin 1994,  sur la création de la Société du Tourisme du Québec (STQ). *Le yoyo de la gouvernance touristique au Québec.

« Tous les employés qui étaient affectés au secteur tourisme dans le ministère devenaient des employés de la Société, sous réserve  des dispositions de la convention collective en vigueur et ce jusqu’à l’expiration de celle-ci. De plus, un employé pouvait s’il ne désirait pas être transféré dans la Société demander sa mutation ou participer à un concours de promotion ».

3) La SITQ créée serait financée à même les sommes dégagées suite à la réduction de la taille de Tourisme Québec de même que les enveloppes budgétaires allouées aux mandats de Tourisme Québec qui auraient été déplacées à la SITQ, seraient transférées.

    1. Le financement des activités serait inspiré du modèle coopératif utilisé au sein du milieu associatif;
    2. Le CA serait composé d’une majorité d’entrepreneurs appuyés par des représentants des différents secteurs de l’industrie (ATR, ATS…);
    3. La SITQ assurerait la coordination des 5 activités de la chaîne de production touristique (voir plus haut).

 4) Pour chacune des activités (5), un comité serait créé.

  • Les ATR seraient membres des 5 comités, et représentées via 7 regroupements d’ATR.
    • Les autres membres des comités seraient invités en fonction de leurs champs d’expertise (ATR, Office, CLD, etc.)
  • La création des 7 regroupements d’ATR ne signifierait pas nécessairement la disparition d’ATR, mais celles-ci auraient 1 an pour se regrouper au sein de ceux-ci, en fonction des paramètres qu’elles auraient participé à définir.
  • De plus, les 22 ATR auraient 3 ans pour revoir leur modèle d’affaires (rôles et responsabilités, alliances, mutualisation de services, fusion, etc.).
  • Tous les joueurs impliqués dans le modèle de gouvernance auraient aussi l’obligation de réfléchir sur leur modèle d’affaires (ATS, offices, CLD, etc.).
  • Un des objectifs de cette démarche consisterait à jeter les bases pour une clarification des rôles et des responsabilités de tous, et ce en fonction des 5 activités de la chaîne de production touristique.

LES MOTIVATIONS DU SOUS-COMITÉ POUR PROPOSER CE TYPE DE GOUVERNANCE

 Quelques constats qui ne laissent pas indifférents, c’est à vous de juger s’ils sont toujours pertinents :

    • Le management du tourisme au Québec doit être revu en profondeur afin de le simplifier, le rendre imputable et mesurable.
    • Il y a trop d’acteurs, de la confusion et des dédoublements des rôles et responsabilités.
    • Absence de convergence autour d’une vision partagée de l’avenir de la destination.

 À propos des destinations (15) qui ont fait l’objet d’une analyse, les constats ci-dessous ont servi de guide pour élaborer le modèle de la SITQ. 

    • Les destinations performantes ont quelques dénominateurs en communs : une vision à long terme, un partenariat industrie-gouvernement dynamique, une culture de l’innovation et des leviers pour mettre en œuvre leurs stratégies.
    • Elles sont dotées d’une agence ou société d’État (14 sur les 15 destinations analysées) et relèvent d’un ministère à vocation économique » (13/15).
    • Les agences / sociétés d’État jouissent d’une distance par rapport à la politique, mais demeurent imputables via des contrats de performance.

L’enquête touristique de l’OCDE* auprès de 51 pays (2012) sur la gouvernance vient confirmer les conclusions de l’analyse de Maurice Couture de GPS Tourisme. *La gouvernance touristique à travers le monde (prise 2)

Et enfin, les commentaires qui revenaient le plus souvent suite aux entrevues du sous-comité sur la gouvernance :

    • Il y a trop de structures impliquées en tourisme au Québec, et cela à tous les échelons.
    • Leur multiplicité complexifie inutilement la vie des entrepreneurs en dédoublant leurs rôles, leurs mandats et leurs activités.
    • Il y a un manque de cohérence, de synergie et de complémentarité entre les acteurs.

Certes, il y a des choses qui ont évolué depuis deux ans et demi, mais est-ce suffisant? J’en doute, car le modèle actuel de gouvernance a atteint ses limites.

 dreamstime_s_31879388QUE RESTE-T-IL DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT ROZON EN MATIÈRE DE GOUVERNANCE AUJOURD’HUI?

Pas grand-chose sinon quelques mesures (4) dans le Plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020 (PDIT), qui n’apporteront pas les changements significatifs dont l’industrie a de besoin pour faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain. Nouveaux comités par-ci et quelques grands principes par-là. Après deux ans et demi, que reste-t-il de tout ça? Sinon des hésitations, un refus d’aller de l’avant pour une véritable révision du modèle de gouvernance de l’industrie touristique québécoise.

POURQUOI FAIRE LA PROPOSITION D’UN MODÈLE?

Le sous-comité sur le management n’a jamais eu la prétention de croire que la proposition qu’il avait élaborée était le modèle à suivre. Ce n’était pas le but. Il s’agissait de lancer le débat pour amorcer une réflexion qui se serait située en amont de cette proposition. Car ce n’est pas le modèle de gouvernance qui doit définir une industrie, mais plutôt le contraire, en se basant sur les besoins et les objectifs communs de celle-ci.