La création de la Banque de développement économique du Québec (BDEQ) est remise en question

Vendredi passé, le 24 mai, en début d’après-midi le Parti libéral du Québec (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) annonçaient, qu’ils voteraient contre la mouture actuelle du projet de loi 36 (PL. 36).

La commission parlementaire qui se penchait sur le PL. 36  venait à peine de finir ses travaux que le PLQ et la CAQ dénonçaient le projet de loi dans des thèmes assez durs et demandaient au gouvernement de refaire ses devoirs. Pour avoir suivi la commission parlementaire et avoir lu plusieurs mémoires, il était évident que la mise en œuvre de la BDEQ demanderait de nombreux ajustements de la part de la ministre Élaine Zakaïb responsable de ce dossier pour le gouvernement. Je  crois toutefois que les commentaires des deux partis de l’opposition auraient pu être plus nuancés. Ce n’est pas en donnant juste un côté d’une médaille qu’on peut éclairer la population. Le débat politique a malheureusement trop souvent tendance de glisser vers l’absolu ou le quasi absolu.

La BDEQ faisait l’objet d’un texte dans mon blogue du 10 mai dernier sous le titre :   La gouvernance régionale au Québec, d’importants changements? Mon texte mettait en relief le défi d’implantation de la BDEQ dans une gouvernance déjà complexe en région. Quels impacts aurait l’implantation d’un guichet unique tel que le projet de loi de la BDEQ le prévoyait, sur la gouvernance régionale, déjà fort complexe pour un entrepreneur?

Une position du PLQ qui frôle le « sans appel »

Le PLQ, représenté par Sam Hamad, porte-parole de l’opposition officielle en matière de développement économique et commerce extérieur, mentionne dans sa prise de position, que le PL. 36  est mal ficelé et qu’il est teinté de considérations purement idéologiques. Celui-ci affirme que la BDEQ serait « une porte d’entrée dans un labyrinthe administratif » faisant sans doute référence à la notion de guichet unique que le gouvernement désire mettre en place en créant la BDEQ. Le communiqué du PLQ met aussi en relief l’inquiétude de plusieurs intervenants du milieu économique sur la nécessité d’une telle structure, « car le gouvernement semble s’enfoncer dans les méandres organisationnels ». Pour le PLQ, le projet de la Banque « n’est pas une stratégie de développement économique » et Sam Hamad conclut en demandant au gouvernement de poser des gestes concrets pour soutenir l’économie et les travailleurs du Québec ». Voilà, la table est mise pour des négociations qui risquent d’être assez ardues avec le gouvernement, si négociation il y a.

La CAQ laisse la porte ouverte

Selon le porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière d’économie et de commerce extérieur, Stéphane Le Bouyonnec, sans aller aussi loin dans la dénonciation du projet de loi, parle d’un manque de vision de la part du gouvernement. De plus, « Pour la Coalition Avenir Québec, une réforme d’Investissement Québec est plus que souhaitable. Toutefois, le projet proposé par le PQ ne ferait que gaspiller l’opportunité qui se présente de procéder à ce nécessaire coup de barre pour accroître l’efficacité de l’agence ».  Et enfin, pour la CAQ « la Banque de développement économique du Québec ne créerait qu’un simulacre de guichet unique pour les entrepreneurs. Ces derniers auraient encore à frapper aux portes d’encore beaucoup trop de ministères ou organismes pour obtenir un support». Stéphane Le Bouyonnec rappelle que le CAQ ne ferme pas la porte et qu’il invite le gouvernement à refaire ses devoirs pendant l’été. La CAQ «sera prête à contribuer à toutes nouvelles propositions qui seront mises de l’avant».

Un mémoire qui a fait mal

« Aucune société ne devrait être complexe à un point tel que son conseil d’administration ne puisse la gouverner efficacement » (Allaire et Firsirotu, 2010). C’est ainsi que débute le mémoire de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) présenté par Michel Nadeau, son directeur général.

Le paragraphe suivant, tiré du mémoire, résume bien la position de l’Institut sur le projet de la BDEQ. « En effet, sa structure de gouvernance semble complexe et ingouvernable. Il paraît d’ailleurs impossible qu’un conseil d’administration puisse rassembler l’ensemble des compétences adéquates pour les activités de la BDEQ et de ses filiales. En fait, avec une mission aussi vaste et des interventions dans un large éventail de secteurs d’activités, comment rassembler des administrateurs crédibles ayant de l’expérience et de l’expertise dans l’ensemble des secteurs et métiers concernés? ».

Plus loin le mémoire remet en question les risques associés à la disparition d’Investissement Québec. « Enfin, nous croyons mal venu le fait de faire disparaitre la marque de commerce IQ qui s’est imposée internationalement et de rebâtir de zéro une nouvelle identité internationale pour les activités de développement économique du Québec.

Toutefois, l’IGOPP souligne en conclusion que « Ce guichet unique constitue un grand pas pour le Québec. Espérons que les entrepreneurs seront les grands gagnants. L’IGOPP sera heureux de collaborer au succès de ces sociétés. ».

À la recherche d’un consensus

Tout cela à l’avantage d’être clair, les positions sont bien campées. L’été ne sera pas trop long pour rapprocher les partis. Il y a toutefois un consensus sur la nécessité de créer un guichet unique pour les entrepreneurs. Cette demande d’une porte d’entrée unique pour avoir accès à la multitude de programmes gouvernementaux faisait aussi partie des recommandations du Rapport du Comité de performance de l’industrie touristique (Rapport Rozon), déposé aux Assises du tourisme de mai 2011. Le message avait été entendu par le gouvernement de l’époque. Les libéraux annonçaient dans leur dernier budget, la création d’IQ Tourisme.

Le ministre Pascal Bérubé et son gouvernement ont gardé le cap en reprenant le Plan d’action de l’industrie touristique 2012 – 2020. Donc, il est où le problème? Pour l’industrie touristique, comme pour d’autres secteurs d’activités, je ne crois pas que c’est la création d’une nouvelle structure qui pose problème, mais bien comment arrimer celle-ci avec tous les joueurs déjà présents, tout en allégeant la démarche des entrepreneurs. Là-dessus, plusieurs mémoires s’interrogent sur le modèle de gouvernance, autant au sein de la Banque comme celui de l’IGOPP que dans l’arrimage avec les autres joueurs en région.

Une lecture des dernières plates-formes électorales des partis permet de constater que le Parti Québécois et la CAQ ciblent tous les deux un allégement des structures et reconnaissent le rôle des CLD. Ajoutons à cela que le PLQ mise aussi sur les CLD et qu’il a déjà eu l’ambition de faire une réingénierie de l’État au moment de reprendre le pouvoir 2003. C’est sans compter sur le consensus des trois principaux partis sur la notion de guichet unique et sur la nécessité d’appuyer le développement économique de toutes les régions du Québec.

Le projet de loi pour la Banque de développement économique du Québec va sûrement faire l’objet de nombreuses discussions au court de l’été. Espérons que la décision d’aller de l’avant ou de retirer le projet de loi se basera sur des considérations strictement économiques et de saine gouvernance et non sur de l’idéologie partisane.