Deux visions, une même industrie

Le texte a été publié une première fois le 10 décembre 2014 sur:  www.tourismexpress.com

Hier, en mettant les pieds à la rencontre stratégique annuelle de l’AQIT, j’avais une certaine appréhension. Comment la gang était pour réagir suite à la lettre « Le tourisme québécois a besoin d’un électrochoc », publiée lundi dans TourismExpress, et reprise depuis, par de nombreux médias et dont je suis un des signataires?

Je ne peux pas parler pour les autres cosignataires présents à la rencontre de l’AQIT, Joanne Beaulieu et Daniel Gagnon, mais de mon côté, à part quelques commentaires négatifs sur le ton supposé  « dur «  de la lettre et le « timing » de celle-ci,  les arguments pour ou contre le contenu de la lettre ont mené à de véritables échanges.

Deux priorités du ministère

La rencontre a débuté avec une intervention de Pierre Milette, Directeur du  cabinet de la ministre du Tourisme, Dominique Vien. Dans un premier temps, il a fait un bref retour sur l’historique et le cadre de la démarche, de la ministre et du ministère, pour la révision du modèle d’affaires de l’industrie et les objectifs poursuivis. Pour l’instant, les consultations vont se poursuivre,  et au printemps, nous connaîtrons le nouveau modèle d’affaires de l’industrie, ou du moins, celui du ministère et de ses partenaires. De son intervention, deux éléments ont particulièrement retenu mon attention :

  • Désormais, la clientèle prioritaire du ministère sera les entrepreneur(e)s. Cette nouvelle approche devrait avoir un impact majeur sur les mandats du ministère et son modèle d’affaires.
  • Le ministère relance le débat sur la nature de la taxe sur l’hébergement, qui précise-t-il, doit être consacrée à 100% à la promotion. Est-elle de nature publique ou privée? En même temps qu’il posait la question, Pierre Milette soumettait des pistes de réponses qui laissent présager que pour le gouvernement la taxe est publique. Mais pourquoi cette question refait-elle surface à ce moment-ci? Est-ce l’amorce d’un prétexte pour normaliser la taxe à 4% sur l’ensemble du territoire? Est-ce parce que le ministère veut reprendre en tout ou en partie, le contrôle de celle-ci? Dans le contexte des démarches du gouvernement pour rétablir l’état des finances publiques, toutes les questions sont permises.
  • De plus, si le ministère en conclut que la taxe est publique, quelle différence cela peut bien faire alors que la taxe, indépendamment de son statut, soit gérée depuis 1996 par les régions? Et enfin, la remise en question du statut de la taxe sous-entend une autre question, indépendamment de la nature de la taxe : qui est le plus apte à la gérer? Le ministère, une société, une entité marketing quelconque ou les régions? Avec des revenus de 46.5 M$ par année, la réponse vaut son pesant d’or.

De nombreux constats

Patrick Dubé, sous-ministre adjoint, a de son côté fait le tour des constats que le ministère a retirés, suite à la consultation auprès de l’industrie et après avoir comparé notre situation avec d’autres destinations en matière de gouvernance et de modèle d’affaires.

  • La liste est trop longue pour l’énumérer en entier, mais voici quelques éléments :
  • Sur les 36 mesures que compte le Plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020 (PDIT), 26 sont réalisées ou en voie de l’être;
  • Les membres de l’industrie appuient toujours le PDIT, mais ceux-ci considèrent important d’en accélérer la mise en œuvre, tout en priorisant certaines mesures;
  • À propos des mesures, en plus d’en diminuer le nombre, l’industrie a demandé des critères de performances pour chacune de celles-ci;
  • L’industrie voudrait plus de cohérence dans les actions du ministère et de ses partenaires (ATR, ATS, etc.);
  • Les membres de l’industrie ont signifié leur intérêt pour un ministère dédié au tourisme. Sur ce point, je me permets de soulever un doute, quand je regarde l’appui que la lettre adressée au premier ministre et à la ministre a reçu sur TourismExpress et d’autres plateformes, force est de constater qu’il y a d’autres visions (au pluriel), au sein de l’industrie sur l’avenir du ministère.

Un panel de représentants des ATR, ATS et des entreprises.

Notre ami Paul Arseneault a dirigé, avec le doigté qu’on lui connait, les échanges entre les trois panellistes, François Chevrier, PDG d’ATR associées du Québec, Patrice Malo, Président et chef de l’exploitation chez Station Mont-Tremblant – Intrawest et Pierre-Paul Leduc à titre de représentant d’ATS Québec et Directeur général de la FEQ-SATQ.

Tout de go, Paul et les trois panélistes ont affirmé haut et fort l’importance d’un « ministère dédié au tourisme fort ». Pas trop de place pour les nuances, du moins c’est ce que je croyais au début. C’est lors des échanges entre les panellistes que les nuances sont apparues. Quelques constats :

Pour les trois acolytes, un ministère fort et dédié au tourisme est essentiel pour s’assurer que les enjeux de l’industrie soient toujours défendus au Conseil des ministres et aux tables interministérielles. J’ajouterais que sur la nécessité d’assurer une bonne représentativité du tourisme au sein de l’appareil gouvernemental je suis d’accord, mais il y a plusieurs manières d’y arriver.

Ils ont aussi souligné l’importance du PDIT et sa mise en œuvre après avoir réactualisé ses objectifs et priorisé certaines mesures parmi les 36.

Les panellistes ont remis en question, et ce, à plusieurs reprises avec des exemples concrets, les faiblesses du ministère du Tourisme en marketing. Ils ont même ouvert la porte à une nouvelle entité – société d’État, agence ou autre – plus indépendante (politiquement), où l’expertise, la flexibilité, la rapidité et l’imputabilité en seraient les principes fondateurs.Tout en affirmant que le marketing doit être unifié autour d’une nouvelle entité, les panellistes ont réaffirmé l’importance du rôle des acteurs régionaux et sectoriels.

À propos de cette entité, il a été soulevé la possibilité que celle-ci soit responsable autant du marketing que de la connaissance et de l’accueil.Sur ces deux derniers points, on se rapproche de la proposition de la lettre « Le tourisme québécois a besoin d’un électrochoc ».

Une nouvelle définition des rôles et des responsabilités a aussi été soulevée à plusieurs occasions.

Les conclusions de la journée

Les principales conclusions de la journée ont été présentées par Yan Hamel, Président de l’AQIT et PDG des Croisières AML.

  • Postulat #1 : nécessité et l’importance de maintenir un ministère du tourisme fort, et d’une ministre dédiée.
  • Postulat #2 : importance de préserver la feuille de route consensuelle que représente le PDIT.
  • Pour opérationnaliser le PDIT, quatre (4) prérequis sont nécessaires :
    • Simplifier le plan et prioriser les actions;
    • Optimiser les sources et les ressources existantes dans le produit et le marketing;
    • Rendre le marketing plus agile : plan unifié et consolidé;
    • Rationaliser la gouvernance : préciser les rôles et les responsabilités.

Ma conclusion

Il est évident que la rencontre avait comme objectif de rassembler les gens autour de certaines priorités et que, malgré la période d’échanges, la conclusion était écrite depuis belle lurette.

Le débat sur le modèle d’affaires et la gouvernance ne fait que commencer. Nous avons TOUS la responsabilité d’y participer. J’ai une dernière question qui me titille. Comment concilier la demande pour un ministère fort alors que celui-ci serait possiblement délesté, à la faveur d’une autre entité, d’un mandat aussi important que le marketing?

À suivre!