Quelle place occupe le tourisme dans la campagne électorale?

Billet originalement publié le 30 août 2012 sur Tourismexpress.

Quelle place occupe le tourisme dans la campagne électorale ? À lire et à écouter les médias de toutes sortes, pas une grande place. En fait, c’est quasiment le néant, si on fait abstraction d’annonces ici et là par des candidats en région et celle du Parti libéral du Québec (PLQ) sur le tourisme le 22 août dernier. Mais qu’en est-il des plateformes électorales des principaux partis?

L’AQIT a tenté de répondre à la question en produisant un tableau sur la comparaison des programmes électoraux 2012. Celui-ci met en évidence les engagements des partis en répartissant ceux-ci sur 6 thèmes : L’accès, le tourisme, la culture, l’entreprise, le gouvernement et une recherche par les mots clés; tourisme et touristique. Donc des thèmes qui s’adressent directement au tourisme et d’autres qui peuvent profiter à plusieurs secteurs d’activités économiques…dont le tourisme. J’ajoute à cette liste les défis de la gouvernance en tourisme.

L’AQIT m’a permis d’utiliser le résultat de leur travail, pour me permettre de  produire ce texte qui se veut, en quelque sorte, une analyse doublée d’un point de vue personnel.  J’avais déjà lu l’ensemble des programmes des partis, habitude héritée après 8 ans comme DG d’ATR associées du Québec mais le tableau de l’AQIT m’a grandement  simplifié la vie pour rédiger ce texte et je les remercie.

D’où sort-il celui-là?

Pour ceux qui me connaissent, vous savez que j’ai quitté la direction générale d’ATR associées  du Québec depuis près de 5 mois. La question que certains d’entre vous doivent présentement se poser, pourquoi Louis a écrit ce texte sur les programmes des partis, de surcroît lors d’une campagne électorale estivale? Pour un tas de raisons, mais je vais me limiter à deux. Parce ce que je crois que nous devons toujours nous montrez vigilants sur la place que le tourisme occupe dans les priorités d’un gouvernement. Deuxièmement, les organisations comme ; ATR associées du Québec, l’AQIT, les ATR, les ATS, pour ne nommer que celles-ci, ont ça dans leur ADN de faire la promotion de notre industrie, j’y ajoute juste ma petite contribution.

Un avertissement s’impose. Suite à la lecture des plateformes et tout en tentant de lire les nombreux communiqués qui sont publiés par les partis annonçant la bonification d’un engagement ici et d’une nouvelle promesse là. J’ai rapidement constaté la difficulté d’être au fait de tous ces ajouts, d’autant plus que les plateformes des partis ne sont pas mises à jour régulièrement. Ce qui me fait dire que tous les partis auraient avantage à mettre régulièrement à jour leur plateforme. Donc pour les oublis, je m’en excuse d’avance. Je me lance.

Le Parti libéral du Québec (PLQ). À tout seigneur, tout honneur.

Force est de constater que le PLQ a fait ses devoirs pour les investissements en tourisme. Tout n’est pas parfait mais comme moi en lisant leurs engagements vous avez sûrement constaté que le PLQ démontre une nette volonté de supporter le développement de l’industrie touristique au profit de l’ensemble des régions du Québec, incluant des actions plus spécifiques pour Montréal et Québec.

C’est évident diront certains, le PLQ a eu 9 ans pour y arriver, de même que pour préparer un dernier budget à saveur pré­électorale. D’ailleurs, les engagements du PLQ en matière touristique reposent essentiellement sur le budget du mois de mars.

Oups!

J’ai toutefois remarqué que plusieurs éléments contenus dans le budget de mars et adopté par l’Assemblée nationale, se retrouvent dans la plateforme électorale du PLQ. J’ai un malaise avec cette façon de faire qui peut porter à confusion. Les Québécois sont de plus en plus désabusés de la manière de faire de la politique au Québec et au Canada. C’est le genre de petit détail qui s’additionnant à d’autres alimente le scepticisme de la population. Le PLQ, n’avait qu’à faire une courte référence au budget, ce qu’il a fait, et de mettre uniquement les bonifications en matière touristique comme étant ses véritables engagements. Là on se retrouve avec un mélange des deux.

Donc, les engagements directement liés au tourisme sont en fait des bonifications aux mesures incluses dans le budget et annoncé le 22 août par le Premier ministre et la ministre Ménard. Entre autres, le crédit d’impôt hôtelier est doublé passant de 33 millions de dollars à 66 millions. De plus, contrairement à ce qui était prévu, tous les établissements des municipalités initialement exclus sont admissibles, à l’exception de l’Île de Montréal et de la ville de Québec. La somme pour le 375e anniversaire de Montréal passe de 125 millions de dollars à 180 millions de dollars. Une somme de 15 millions de dollars est aussi réservée aux festivités du 375e. J’ajouterais que le PLQ était dans la mise en place d’une des mesures du budget au moment du déclenchement des élections, l’IQ tourisme comme guichet unique pour les entreprises touristiques.

Bref retour sur l’histoire

Pour la compréhension du contexte budgétaire et d’autres éléments de mon texte, je crois qu’il est nécessaire de revenir sur le travail qui a été fait pour arriver aux résultats qu’on connait.

Mme Ménard, suite à l’initiative et conjointement avec l’AQIT, à créer le Comité de performance de l’industrie touristique (CPIT) qui a déposé son rapport «Faire des choix pour une industrie touristique performante» aux Assises de mai 2011, au cours desquelles la ministre, pour l’occasion, annonçait l’élaboration d’un plan de développement de l’industrie touristique. Afin de s’assurer la mise en oeuvre de ses recommandations et pour contribuer à l’élaboration du plan, des membres de l’ex-­CPIT se sont regroupés au sein du Comité directeur en Tourisme (CDT).

C’est alors que la ministre a invité des membres du CPIT et du CDT à sa Table d’échanges stratégiques. Oui oui je sais! On s’y perd dans tous ces comités, on va y arriver. C’est à cette table, grâce à l’ouverture de la ministre, que plusieurs recommandations du CPIT ont pu largement inspirer le budget de mars dernier. La Table a aussi été le théâtre des discussions pour l’élaboration du Plan de développement de l’industrie touristique qui lui aussi a été amplement inspiré par les recommandations du CPIT et des consultations avec des représentants de la majorité des secteurs de l’industrie. Donc, un travail qui n’a pu être réalisé qu’à la suite d’une concertation entre tous les joueurs impliqués. Pour conclure l’histoire, aux Assises de mai 2012, la ministre dévoilait le plan de développement de l’industrie touristique 2012-­2020.

Qu’arrivera-­t-­il de tout cela au lendemain des élections? Personne ne le sait.

L’emploi et les régions

Pour ce qui des autres engagements du PLQ qui touchent des enjeux de notre industrie, ils se concentrent sur le plein emploi, le crédit d’impôt pour les travailleurs expérimentés et la réduction de la taxe sur la masse salariale. Il y a aussi une mesure qui s’adresse au secteur de l’agriculture qui pourrait très bien s’appliquer au secteur touristique, après quelques ajustements. La mesure consiste à favoriser le transfert d’entreprises familiales en les faisant bénéficier de l’exonération fiscale d’impôt des gains en capital de 750 000$. Pour terminer, il faut aussi souligner l’importance que le PLQ accorde aux régions. Là-dessus par contre, il ne fait pas cavalier seul, tous les partis les courtisent.

Le Parti Québécois (PQ). Retour sur le trône?

Étonnement! Les mots : tourisme et touristique n’apparaissent pas dans la plateforme électorale du Parti Québécois. C’est étonnant pour un parti qui a de nombreuses personnes convaincues de l’importance de notre industrie, autant au sein du parti qu’au niveau de la députation et des candidat(e)s. Donc, aucun engagement directement lié au tourisme. D’accord, un parti ne peut pas nommer tous les secteurs d’activités économiques du Québec. Mais, le tourisme c’est quand même une industrie présente dans toutes les régions et 140 600 emplois directs, ce n’est pas rien. Espérons que le prétendant au trône, saura préciser ses engagements directement liés à l’industrie touristique d’ici le 4 septembre.

Les engagements du PQ qui touchent au tourisme se concentrent dans ; le transport, l’accès au fleuve Saint-Laurent et la bonification du pacte rural. C’est toutefois pour les entreprises que les engagements semblent les plus intéressants (voir le tableau), en voici quelqu’un: La création de la Banque de développement économique du Québec, qui serait présente dans toutes les régions pour, entre autres, offrir un guichet unique aux programmes gouvernementaux, dont de nouveaux programmes d’aides aux entreprises et à la relève entrepreneuriale. Pas à dire le concept de guichet unique a la cote par les temps qui courent pour les trois principales formations; Le PQ mettrait en place des Fonds régionaux afin de favoriser la diversification des économies locales et régionales. Il est évident que les régions sont une priorité pour le PQ, mais comme mentionné plus tôt, ils ne sont pas les seuls dans ce créneau.

S’ajoute à cela des engagements en matière culturelle, dont la simplification de l’aide publique aux actions culturelles en région. Il faut souligner que les engagements en matière culturelle, qui auraient un impact significatif sur notre industrie, ne sont pas légion dans les plateformes des principaux partis, sauf en ce qui a trait aux événements pour la CAQ.

En gouvernance, le PQ s’engage à mettre en place une loi sur la décentralisation vers les régions. Le PQ promet aussi de réorganiser l’État afin de débureaucratiser celui-ci, de réduire les niveaux hiérarchiques et d’éliminer les doublons dans les structures, ce qui pourrait avoir un impact sur de nombreux ministères et organismes impliqués en tourisme et relevant directement ou indirectement de l’État. Je vais y revenir plus loin sur la gouvernance.

Coalition Avenir Québec (CAQ). À l’assaut de la forteresse

Pour un nouveau parti, ils en ont mis du pain sur la planche : 94 engagements. En leur souhaitant de ne pas se perdre dans leurs priorités. En tourisme, leurs engagements commencent avec un support significatif et stable aux grands événements. À souligner que le budget de mars dernier inclut une mesure pour l’augmentation de l’enveloppe pour les festivals et événements. La CAQ a aussi des engagements en tourisme spécifiques à Montréal et Québec. Je rappelle qu’il y a aussi des mesures de prévues dans ces deux cas dans le budget et que le PLQ a bonifié celles-ci dans sa plateforme électorale. Il est évident que l’approche sera différente entre les deux partis. En culture, rien de particulier, si ce n’est comme mentionné plus tôt les fonds additionnels pour les événements.

Pour les entreprises, la CAQ a toute une panoplie d’engagements qui touchent notre secteur. Vous les avez dans le tableau. Je vous en énumère quelques-unes : il y a la révision de l’ensemble des mesures fiscales des entreprises; le renforcement du mandat des CLD qui deviendraient des guichets uniques (ça me dit quelque chose ça…) en matière de soutien à l’entrepreneuriat, le tout en lien avec Investissement Québec (IQ); la mise en place d’un plan de développement de l’entrepreneuriat qui inclurait du mentorat pour les jeunes (à noter que le PQ compte aussi un engagement concernant la relève dans les entreprises). La CAQ veut s’assurer que la formation professionnelle et technique puisse répondre avec plus de souplesse aux besoins des travailleurs et enfin il y a aussi l’élaboration d’une politique de conciliation retraite-travail (le PLQ vise un crédit d’impôt pour les travailleurs expérimentés). La CAQ et le PQ désirent tous les deux que la Caisse de dépôt voit son mandat élargi pour mieux supporter les entreprises québécoises.

Comme vous le savez tous, la CAQ se distingue des autres partis pour sa volonté de changement, entre autres au niveau de la gouvernance. Par exemple, en «dégraissant l’État», en allégeant les structures et en décentralisant les pouvoirs aux municipalités. Les deux premiers engagements ressemblent aux intentions du PQ. Là aussi, la manière de faire sera très différente si on se fie au discours de la CAQ et de son chef. La CAQ s’engage à accroître l’autonomie administrative et financière des régions. Une démarche qui peut ressembler à celle du PQ, du moins par la volonté des deux partis de donner plus d’autonomie aux régions, mais par des solutions qui diffèrent.

Québec Solidaire et Option nationale. De preux chevaliers

Québec Solidaire ne fait pas mention du tourisme dans sa plateforme. Pourtant lors du premier débat des chefs, Mme David, a mentionné à deux reprises le tourisme, entre autres, lors d’un échange avec Jean Charest sur la place des femmes dans le marché du travail. C’est pour le moins un peu court. Pour Option nationale aussi, qui compte comme engagement en tourisme ; «Le développement du tourisme, première industrie mondiale» À cela s’ajoute une étude de faisabilité d’un réseau de transport intermodal reliant toutes les régions du Québec. Je ne dénigre pas la position de ses deux partis. Je crois plutôt fermement à la nécessité de la pluralité des voix et des idées à l’Assemblée nationale. Il est évident que pour le premier, le développement économique du Québec passe par d’autres chemins que ceux des principaux partis. Tandis qu’Option nationale est un jeune parti créer avant tout sur l’enjeu de la souveraineté du Québec.

Ajoutons pour Option nationale des engagements pour les entreprises et les régions. Le premier, la création de la Banque du Québec qui serait un guichet unique pour les entrepreneurs et présente dans toutes les régions du Québec. Cela rappelle la proposition du PQ. En gouvernance, ils s’engagent pour la décentralisation vers les régions, comme les principales formations. Toutefois, avec une variante en créant les Conseils régionaux qui seraient un regroupement de différentes organisations régionales dont les CRÉs.

La gouvernance régionale. Un pour tous et tous pour un!

Des différentes propositions des partis, il y en a plusieurs qui sont franchement intéressantes pour notre industrie et qui mériteraient plus de réflexion afin de bien en saisir tous les tenants et aboutissants. Plusieurs engagements semblent faire consensus auprès de tous. Par exemple, la notion de guichet unique pour les entreprises et la décentralisation vers les régions. Pour celle-ci chaque parti a son approche, ses objectifs, sa manière de faire, un calendrier et aussi une limite jusqu’où sont-ils prêts à pousser la décentralisation? Une question va rapidement survenir sur le modèle de gouvernance régionale. Comment les engagements du gouvernement élu le 4 septembre vont s’intégrer dans un modèle qui est actuellement complexe, avec toutes les particularités régionales et locales qu’on peut imaginer?

Personnellement, j’y vois un beau défi, soit celui de profiter de l’intérêt des partis politiques pour la décentralisation vers une plus grande autonomie des régions sur les plans administratifs et financiers. Un beau défi, si on profite de l’occasion pour mettre à jour notre modèle de gouvernance régionale en fonction des engagements du parti qui sera au pouvoir au lendemain des élections du 4 septembre mais aussi et surtout en fonction des besoins des régions et ce aux grands bénéfices de l’ensemble du Québec, Montréal et Québec incluses.

Je reviens sur le rapport du CPIT où j’étais membre et où avec Yan Hamel, Alain April et Maurice Couture comme consultant, nous avons travaillé sur le dossier de la gouvernance (management) en tourisme. En résumé, le comité a recommandé «que le modèle de management à définir, mise sur une direction forte au niveau de la destination ralliant, les intervenants touristiques et misant sur un partenariat entre entrepreneurs privés, associations de l’industrie et gouvernement, qui soit profitable». À lire le plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020, c’est le domaine d’intervention, sur les cinq du rapport du CPIT, qui y est le moins développé.

La réflexion est entamée, certes, il reste beaucoup à faire mais nous nous devons de profiter de l’occasion des élections pour relancer les travaux sur la gouvernance. Nous ferions mieux de prendre contrôle de notre destinée plutôt d’avoir à se lutter à contre-courant sur des initiatives gouvernementales (PLQ, PQ, ou CAQ) qui ne répondront peut-être pas aux exigences que la mondialisation de notre industrie suppose.

À chaque fois que, comme industrie, nous avons fait preuve d’initiative, cela a été profitable pour nous. Je vous invite à relire les engagements des partis, c’est à nous de s’assurer qu’ils seront profitables pour notre industrie, et ce, quel que soit le gouvernement.

Aux urnes citoyens et citoyennes!