Un mur budgétaire de 3,7 milliards à l’horizon…et le tourisme dans tout ça?

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Selon le gouvernement Couillard les finances publiques sont dans un piteux état. L’ennemi public numéro un du Québec est le mur budgétaire de 3,7 milliards vers lequel le Québec se dirige inexorablement si aucun correctif sévère n’est apporté. À court terme, 2.4 milliards doivent être trouvés. Voilà pour la mise en scène, mais qu’en est-il pour la suite des choses?

Il faut reconnaître que le gouvernement libéral a passé haut la main le premier test de tout nouveau gouvernement quand il s’agit de conditionner la population, les employés de l’État et des organisations de toutes sortes, à des annonces difficiles en rapport avec la situation délicate des finances publiques. 

Suite au dépôt du rapport, le 26 avril, du fiscaliste Luc Godbout et de l’économiste Claude Montmarquette, qui sonnait l’alarme de la déroute des finances publiques voilà que le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, parle de « ralentir le rythme de croissance des dépenses » et que dans un premier temps c’était à l’appareil administratif du gouvernement de faire sa part. 

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Oublions la langue de bois 

Il y a une autre manière d’exprimer cela. À l’aube du premier budget du gouvernement Couillard en juin, tous les ministères sont invités à soumettre  de nouveaux objectifs budgétaires, à gratter dans les fonds de tiroirs, à jeter aux oubliettes des budgets alloués, mais non dépensés,  à reporter ce qui peut l’être,  à mettre aux calendes grecques des engagements du gouvernement précédent, à commencer à fouiller dans les dédales des programmes pour sursoir ou diminuer l’application de certains et j’en passe. 

C’est toujours la même chose et c’est le danger de l’exercice, des coupures mur à mur qui à court terme permettent de rétablir en tout ou en partie la situation, mais qui affecte la qualité des services sans s’attaquer aux causes du problème, soient la sous-estimation chronique des dépenses, et la surestimation de la capacité de l’État à contrôler celles-ci. À cela s’ajoute la surestimation des ministres des Finances, toutes allégeances politiques confondues, des revenus qui sont basés trop souvent sur des prévisions qui se rapprochent plus des prédictions des séries au hockey. 

Le tout, sans s’attaquer à la principale pierre d’achoppement qui nous fait tourner en bourrique à chaque changement de gouvernement et qui consiste, selon de nombreux économistes, à revoir la structure et les programmes offerts par l’État québécois. Structurel, dans le sens de revoir le sacrosaint modèle québécois. Un modèle qui nous distingue du reste de l’Amérique du Nord, qui pendant longtemps nous rendait tous fiers  par notre capacité de rendre notre société plus égalitaire que les autres, mais un modèle qui doit être renouvelé si on veut protéger nos acquis les plus précieux en matière de services et de programmes sociaux. 

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Le tourisme dans tout ça? 

Tous ceux qui ont bénéficié d’une annonce d’un engagement de l’ex-gouvernement Marois devraient s’assurer que les sommes promises seront bien au rendez-vous au moment d’amorcer leur projet. Par exemple, la Politique Priorité emploi annoncée en octobre 2013, qui prévoyait 170 millions de 2014 à 2017 pour le tourisme et qui n’a jamais passée l’épreuve du vote sur le budget risque de passer à la déchiqueteuse du président du Conseil du trésor. Les mesures prévues dans la Politique touchaient, entre autres, la mise en valeur du Saint-Laurent (63.7 M$), celle du tourisme hivernal (60.1 M$), la compétitivité des entreprises et attraits touristiques (15.75 M$) et la promotion (12 M$). À moins que le gouvernement récupère en tout ou en partie celles-ci pour les introduire dans son plan de relance économique? 

Les Assises du tourisme qui auront lieu mardi prochain (13 mai) à Laval, constitueront un moment opportun pour rappeler à la nouvelle ministre du Tourisme, Mme Dominique Vien, que l’accomplissement d’une vision, quelle qu’elle soit,  de développement de l’industrie touristique passe inévitablement par des investissements publics qui seront faits aux bénéfices de l’ensemble des contribuables québécois. Après tout, le tourisme est un investissement des plus rentables pour l’État québécois avec un retour sur l’investissement public de 1 sur 5 en recettes fiscales (AQIT février 2014). 

Il sera donc important de suivre de près l’exercice qui sera fait au sein du  ministère du Tourisme et les résultats de celui-ci lors du dépôt du premier budget du ministre des Finances, M. Carlos Leitao début juin. 

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Productivité et programmes sous la loupe 

À cela s’ajoute l’annonce d’hier sur l’intention du gouvernement de demander aux employés de l’État d’être plus productifs. Le comment et le combien viendront plus tard. Toutefois, pour mesurer l’augmentation de productivité d’un employé assurons-nous que celui-ci dispose des moyens et des outils pour améliorer celle-ci. Par exemple, via des objectifs quantifiables et accessibles. Dans un ministère cela s’exprime par un plan d’action annuel qui doit être à l’abri des pressions politiques quotidiennes. Style,  une demande par-ci, une demande par-là, parfois contradictoire, qui finissent par semer de la confusion dans l’atteinte des objectifs initialement prévus. Dans le cas du ministère du Tourisme, l’élaboration d’un plan marketing pourrait être un exemple d’outil pour canaliser les énergies des acteurs concernés et mesurer l’atteinte des objectifs fixés. 

L’autre étape dans le plan de match de l’équipe économique du gouvernement Couillard est la réalisation d’un des engagements électoraux des Libéraux, la création dans les prochains mois, d’une Commission permanente de révision des programmes. C’est par le processus de révision permanente des programmes, que le Québec sortira de la « spirale de déficits structurels » a indiqué le président du Conseil du trésor. 

Il est indéniable que cette démarche est essentielle, il est même rassurant que le gouvernement s’y engage sans précipitation. La complexité de la démarche est multipliée par le nombre de programmes et la nécessité de séparer le bon grain de l’ivraie. 

Il y a près de 300 ministères, sociétés d’État et organismes de toutes sortes qui interviennent dans  tous les secteurs de la société ; économie, culture, tourisme, environnement, etc. Il est indéniable que le nombre d’acteurs, de paliers et de champs d’interventions rend les choses d’une telle complexité que la majorité des gouvernements préfère balayer cela sous le tapis de l’indifférence. Et c’est sans compter la complexité des relations entre chacun de ces acteurs, car ils sont nombreux à avoir des champs d’interventions inter reliés. 

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Leadership demandé 

3,7 milliards de déficits, une spirale de déficits structurels, il s’agit de tout un contrat pour redresser la barre. Sachant qu’un nouveau gouvernement préfère poser les gestes les plus…rébarbatifs dans la première moitié de son mandat, il serait prévoyant que, dans les prochains mois, l’industrie touristique soit proactive en prenant le leadership de proposer des pistes de solutions avant de s’en faire imposer.