L’expérience du huis clos budgétaire

Note : Ce texte a été publié la première fois sur TourismExpress le 6 juin 2014

Précédant le discours du ministre des Finances, il y a le huis clos budgétaire qui permet aux médias, dont TourismExpress, aux ministères et à divers organismes, dont l’AQIT d’avoir accès à toutes les informations relatives au budget avant que celles-ci ne soient rendues publiques par le ministre des Finances lors de son discours.

Hier, le ministre des Finances, Carlos Leitão a déposé son premier budget gouvernemental, alors que le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, déposait de son côté le budget des dépenses (les crédits des ministères, etc.). Mais avant le discours officiel, des centaines de personnes scrutaient une pile de documents à la recherche d’éléments clés, pour leur secteur d’activités ou pour informer leurs lecteurs. 

Donc de 9h00 à 16h00, les participants au huis clos sont littéralement séquestrés dans différentes salles d’ExpoCité, les médias par ici, les organismes par-là, totalement isolés du reste du monde. Imaginez le supplice pour certains et le bonheur pour d’autres, pas de cellulaire, aucune connexion avec le monde extérieur via quelques moyens que ce soient (Internet, etc.). Il y a parfois un hic, le huis clos est levé dès le début du discours du ministre qui est prévu à 16h00, mais il arrive que celui-ci puisse être retardé. Donc, si pour une raison quelconque le discours débute en retard, vous voilà à vous morfondre en souhaitant que ceux qui vous attendent à l’extérieur de votre prison temporaire soient patients. 

Mesures de contrôle  

Mais avant de vous rendre à votre place assignée, il vous faut traverser le contrôle des agents de la Sécurité du Québec. Ceux-ci, habituellement fort agréable  passent à la loupe votre sac, mais surtout votre ordinateur, tout en vous demandant gentiment de mettre votre cellulaire dans un petit sac transparent et en vous suggérant de ne pas oublier votre coupon pour récupérer celui-ci à la fin de la journée sinon c’est la galère.  On se croirait à un contrôle dans les aéroports. 

Une fois arrivé à votre place, vous voilà avec une pile d’environ 6 pouces de documents et, par chance, avec une clé USB qui vous simplifie la vie en permettant la recherche par mot clé (tourisme, touristique, régions, etc.), faire des copier-coller vers votre document, etc. Vous êtes assis dans une immense salle, collés comme des sardines, avec tout ce qu’il vous faut pour analyser et scruter dans les moindres détails les milliers de lignes et de tableaux d’une douzaine de documents. Tout en sachant pertinemment que vous ne verrez pas tout, qu’il y a, de la part des équipes du ministère des Finances et de celles du Conseil du trésor, une manière de présenter les choses pour que la réalité paraisse plus complexe qu’elle ne l’est en vérité. 

Cet état de choses se reflète aussi, le lendemain, dans la manière dont les médias résument le budget. Par exemple, La Presse mentionnait un budget  pour 2014-2015 de 71,4 MM$ en revenus et 74,3 MM$ en dépenses, tandis que Le Devoir et le Journal de Montréal rapportaient un budget de revenus consolidés de 96,4 MM$ et des dépenses consolidées de 97,4 MM$. Les deux présentations sont adéquates, mais il y a de quoi semer de la confusion dans une large partie de la population. 

Le kit de survie à un huis clos 

Vous en avez pour 7 heures, à jouer parfois du coude avec le voisin d’à côté ou un autre qui ne cesse de passer derrière vous au point que vous imaginez tout ce qu’il pourrait lui arriver s’il tombait. Dans des moments d’impatience, c’est étonnant de constater jusqu’à quel point nous pouvons avoir l’imagination fertile… 

L’ordinateur est branché, après avoir parfois négocié une prise avec l’autre voisin, qui lui est de commerce plus agréable. Vous êtes prêts : crayons, marqueurs de différentes couleurs, signets arc-en-ciel pour marquer les pages, papier, calculatrice, bouteille d’eau, une petite grignotine, gomme, la photo de votre chien ou chat et … du café. Il y en a qui arrive avec leur imprimante à 256 couleurs, leur papier entête et cartes professionnelles bien en vue pour tenter de passer des entrevues avec des journalistes de tout acabit, en brandissant, haut et fier, leur vérité sur une feuille qui finit toujours par un … -30- 

Restez zen 

Le truc pour passer à travers la journée, c’est d’être organisé et d’avoir un petit côté zen. Cela évite de perdre patience lorsque vous ne saisissez pas tel ou tel tableau et que malgré l’aide d’un fonctionnaire du ministère des Finances ou du Conseil du Trésor vous retournez à votre place perplexe. Pour qu’en suite, la cerise sur le sundae, vous réalisez que votre collègue a trouvé la réponse à vos angoisses. Misère que je vous dis! 

Le côté zen sert aussi quand vous sortez des toilettes et que deux agents de la Sécurité du Québec, style joueur de football vous encadrent et vous disent, avec un air patibulaire que vous ne pouvez pas sortir des toilettes après y avoir entré. Et que devant votre regard médusé, ils partent à rire tout en vous disant que votre êtes le douzième à se faire prendre. Eh bien! En voilà deux à qui j’aurai pu demander leurs  matricules pour les remettre à Gilbert Rozon de Juste pour rire. 

Personnellement, je participe à l’exercice du huis clos depuis plusieurs années et je le trouve toujours aussi intéressant et stimulant, même si après celui-ci  j’ai une overdose de colonnes de chiffres. L’exercice est utile, car il permet de mieux saisir la complexité et les limites budgétaires du gouvernement, et, par le fait même, des ministères et des ministres qui touchent directement ou indirectement le tourisme. 

Mais, quand vous participez à un huis clos budgétaire, la première règle à ne jamais oublier consiste à ne pas être naïf. Tout le processus budgétaire est un exercice essentiel pour un gouvernement. Mais quand vous réalisez qu’année après année, les gouvernements n’arrivent pas à contrôler la bête et dépensent à tous vents, au moment de lire les nombreuses colonnes de revenus et de dépenses, restez zen, car il y a une chose qui est certaine, ça finit toujours par un…

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