De nombreux chroniqueurs et éditorialistes, reconnaissent que le Projet Saint-Laurent de la CAQ et de son chef, est rassembleur et permet d’ouvrir de nouveaux horizons. La lecture du livre de François Legault « Cap sur un Québec gagnant, – Le Projet Saint-Laurent », lancé chez Boréal le 22 octobre dernier, nous éclaire davantage sur le Projet Saint-Laurent et la vision de développement du chef de la CAQ. L’éducation, l’innovation, les questions économiques, les entreprises, un nouvel art de vivre et la révision de la structure et des outils d’interventions de l’État sont au cœur de sa réflexion. Mais qu’en est-il du tourisme?
L’HOMME ET SES CONVICTIONS
L’entrepreneur
La première partie du livre porte sur le parcours de François Legault et sa vision du Québec. Cela nous permet de mieux saisir les motivations de cet entrepreneur avant son saut en politique. La création du Groupe Transat par les quatre partenaires : Jean-Marc Eustache, Philippe Sureau, François Legault et Lina De Cesare, est bien sûr évoqué par l’auteur. Il raconte sa participation dans la progression fulgurante qu’a connue Air Transat au cours des années 1986-1997 où l’entreprise est passée d’un chiffre d’affaires de 20 millions de dollars à 1,3 milliard. Avec comme résultat, qu’à son départ de l’entreprise à l’âge de 39 ans, François Legault avait acquis son indépendance financière.
Le politicien
En 1998, François Legault fait le saut en politique avec le Parti québécois avec « l’ambition d’apporter sa contribution et de rendre plus efficaces les services publics ». M. Legault a été ministre de plusieurs ministères dont celui de l’Éducation, sujet qui reste toujours pour lui une priorité. D’ailleurs, pour l’anecdote, au moment où il était ministre de l’Éducation, dans son cabinet politique il y avait un certain Pascal Bérubé qui allait devenir plus tard ministre du Tourisme. Après une période passée dans l’opposition comme critique aux finances et à l’économie et un court retrait de la vie politique, François Legault a fait un retour en politique avec la fondation de la Coalition Avenir Québec (CAQ), le 14 novembre 2011.
La souveraineté
Un passage du livre évoque sa position sur la souveraineté : « cela dit, il est clair que la souveraineté est réalisable, la question n’est pas là. Les Québécois ne sont tout simplement pas prêts, dans un avenir prévisible, à trancher ce débat ». Puis comme nationaliste, il ajoute pour bien clarifier sa pensée qu’il « ne défend pas la souveraineté ou le fédéralisme, qu’il prend parti pour le Québec » que sa priorité est de « faire passer les intérêts du Québec avant ceux des partis et des options constitutionnelles ».
Un modèle à changer
Pour François Legault, il est pertinent de remettre en question nos façons de faire au Québec, par exemple le « fameux modèle québécois ». Comme dans la plate-forme électorale de la CAQ, François Legault aborde dans son livre la nécessité « d’éliminer les structures superflues », « de faire le ménage dans la bureaucratie et le gaspillage » de sortir du statu quo pour favoriser le changement…de cap. Tout un programme.
LE PROJET SAINT-LAURENT…TOURISTIQUE
Le Projet Saint-Laurent
Dans sa vision de développement, la CAQ mise entre autres, sur le Projet Saint-Laurent une sorte de Silicon Valley du nord, où l’innovation et la reconquête des rives sont au cœur de la stratégie. Pour la CAQ, la vallée du Saint-Laurent est inclusive parce que l’élan économique qui serait donné à la vallée du Saint-Laurent « devra se répandre partout au Québec. Car chacune de nos régions a le potentiel pour participer à la création de la nouvelle vague des entreprises innovatrices et prospères, le Québec inc. du XXIe siècle ».
Le potentiel du Saint-Laurent sous-exploité
Il est évident que François Legault a fait une lecture attentive du Plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020 et du Rapport Rozon (Comité de performance de l’industrie touristique, mai 2011). Car il cite abondamment ce dernier tout en le qualifiant de « fort éclairant et éclairé », mais égratigne au passage la mise en œuvre du Plan de développement de l’industrie touristique, par le PLQ et le PQ.
François Legault, souligne la nécessité de développer les portes d’entrée que sont Montréal la fun city, en misant entre autres, sur la vitalité culturelle de celle-ci. Québec la romantique, cette « ville-musée » qui combine berge du Saint-Laurent, spectacles et activités 4 saisons. Il enchaîne, avec Charlevoix véritable carte postale du Québec, Trois-Rivières et son Vieux-Port et complète son tour d’horizon par le projet récréotouristique de Destination Gatineau. Mont-Tremblant, le fjord du Saguenay et la Gaspésie sont aussi mentionnés.
Dans sa réflexion François Legault soulève l’importance d’aller encore plus loin dans le développement des croisières internationales, disant qu’il faut encore plus profiter de la croissance de cette activité à travers le monde, car selon lui l’énorme potentiel de ce secteur, malgré tous les investissements depuis 2008, demeure encore sous-exploité.
Le chef de la CAQ se fait un véritable défenseur de l’agrotourisme en énonçant qu’il faut « viser un meilleur ancrage du terroir parce que le terroir, c’est nous. C’est notre patrimoine collectif ». C’est pourquoi selon ses dires, il faut développer « l’économie du terroir » dans la vallée du Saint-Laurent. Il ajoute dans le même filon que le Québec devrait miser encore plus sur le savoir-faire de nos chefs pour se positionner « comme leader dans le domaine du tourisme culinaire »
UNE INDUSTRIE AUX RESSOURCES SOUS-EXPLOITÉES
Vers une stratégie globale où il faudra faire des choix
Pour M. Legault « À ce jour, on ne peut pas dire que les gouvernements libéral et péquiste ont bien répondu à l’appel du rapport Rozon ; on s’est satisfait d’une recette trop connue : l’éparpillement et le saupoudrage à travers trente-six mesures ». D’après lui cette approche ne mènera nulle part et qu’il faut plutôt « cibler les efforts, les structurer au tour de l’axe du Saint-Laurent, à travers un projet national, mobilisateur et réfléchi ». Pour lui la stratégie de faire du Saint-Laurent une icône est la bonne approche, c’est sur le comment y arriver qu’il est en opposition avec les deux autres principaux partis à l’Assemblée nationale.
Une industrie qui reçoit 0,2% des dépenses de l’État
Succinctement l’analyse que fait François Legault de la situation touristique au Québec est la suivante :
Le tourisme est l’un des secteurs d’exportation les moins coûteux à développer et les plus rentables quant à la création d’emplois. Pourtant, le gouvernement du Québec n’y consacre qu’un budget chétif, soit 0,2% de ses dépenses. De plus, nos produits sont vieillissants, il y a pénurie de bons projets, la gestion est trop morcelée dans de lourdes structures et l’on enregistre une baisse marquée des investissements privés dans l’industrie touristique.
La critique pourrait être poussée plus loin. 0,2% des dépenses versus une contribution de 2,5% au PIB du Québec, il ne fait aucun doute que le retour sur l’investissement est au rendez-vous. François Legault, n’aborde toutefois pas comment il s’y prendrait pour remédier à la situation, alors que les choix budgétaires sont confrontés à l’état délicat des finances publiques et à la difficile poursuite de l’équilibre budgétaire.
Il poursuit son analyse en soulignant que pour lui « la diversité est l’une des caractéristiques de l’industrie touristique québécoise » et que cette diversité peut devenir un problème en citant au passage le chroniqueur économique René Vézina (Les Affaires, 4 juin 2011) qui rappelle que « cette diversité peut aussi devenir une faiblesse quand elle mène à l’éparpillement ».
Et enfin il ajoute :
L’industrie touristique québécoise compte un très grand nombre d’organismes sur le terrain. Ses budgets sont dispersés et l’offre touristique trop fragmentée. Dans un contexte de forte concurrence internationale, il faut plutôt miser sur un produit phare, mettant en évidence le caractère exceptionnel d’un lieu à visiter. Il faut donc faire des choix.
À propos de faire des choix, François Legault, aurait pu faire référence au chapitre 4 du Plan de développement de l’industrie touristique 2012-2020, qui porte sur le développement du potentiel touristique des régions et la caractérisation des régions touristiques sur la base de leur potentiel et de leur pouvoir d’attraction en regard de la clientèle touristique hors Québec. Cette démarche pourrait lui être utile pour compléter sa réflexion sur une stratégie dite « globale » qui nécessiterait toujours selon lui de faire des choix.
Une réflexion à compléter
Le livre de François Legault fait un survol d’intéressantes pistes de réflexions et d’actions pour le Projet Saint-Laurent. Toutefois, à part son analyse sur la sous-exploitation du potentiel de l’industrie touristique et la dispersion de son offre, force est d’admettre que la stratégie touristique qu’il propose manque d’ingrédients pour que la recette … fasse recette.