(Texte publié la première fois dans le TourismExpress du 30 mai 2014)
Lors de son discours d’ouverture aux Assises du tourisme, le 13 mai dernier, la ministre du Tourisme, Dominique Vien, a été on ne peut plus claire, alors qu’elle abordait la situation des finances publiques du Québec, en affirmant qu’elle «avait aussi le mandat de représenter les contribuables du Québec». Pour ensuite ajouter «que nous sommes dans une situation budgétaire précaire. L’atteinte de l’équilibre budgétaire pour 2015-2016, ce n’est pas une option, c’est une obligation. Ça va demander des efforts que nous ferons de façon intelligente».
De plus, lors du lancement de la saison des événements majeurs par le RÉMI, le 25 mai dernier, la ministre déclarait «Le RÉMI aura les sous nécessaires pour entamer la saison estivale et automnale, pour réaliser finalement ce qu’ils avaient sur la table à dessin», toutefois la ministre précise que «Pour la suite des choses, je ne suis pas en mesure de vous en donner davantage parce que j’ai un travail à faire». C’est donc dire que toutes les options sont sur la table!
J’ai beau me creuser les méninges, mais je ne me rappelle pas, après plus de 25 années dans l’industrie touristique, qu’un ou qu’une ministre du Tourisme ait tenu sur la place publique, un discours qui ne fait aucun doute sur les intentions d’un gouvernement en matière de finances publiques.
Ajoutons à cela, l’envolée des ballons politiques des derniers jours pour tester la population : privatisation en partie de la SAQ et/ou d’Hydro-Québec, tarification dans les CPE en fonction des revenus des parents, report sur 15 ans de la généreuse augmentation accordée aux médecins spécialistes. Ballons d’essais qui parfois se dégonflent aussitôt, mais qui sont quand même d’excellents indicateurs sur la teneur des réflexions dans les hautes sphères de l’État québécois. À l’aube du 1er budget du gouvernement Couillard, le 4 juin, le ton est assurément donné.
Un budget de transition
Le ministre des Finances, Carlos Leitao a annoncé dans un communiqué du 26 mai que le budget du 4 juin en sera un «de transition qui permettra de concrétiser les engagements pris envers les citoyens du Québec».
Donc, le dépôt du budget et celui des dépenses (crédits des ministères) vont nous donner l’heure juste sur la situation des finances publiques. Malgré tous les efforts de sémantique faits par le gouvernement pour décrire sa démarche, je crois que les mots : coupures, compressions, gels, reports et toutes la panoplie de synonymes qui les accompagnent peut aussi être utilisée pour décrire ce qui se passe actuellement au sein de l’appareil étatique.
D’autre part, le premier ministre et son équipe économique ont déjà annoncé leurs volontés de mettre en place des mesures afin de relancer l’économie. Bien hâte d’entendre celles-ci lors du discours du budget.
Un discours du budget à suivre de près
Je sais par expérience, comme ex-DG d’ATR associées du Québec, que l’analyse du budget et des crédits d’un gouvernement n’est pas une sinécure, Il s’agit d’un exercice qui demande beaucoup d’attention pour une industrie transversale comme celle du tourisme. La documentation est volumineuse et l’analyse porte sur une dizaine de ministères et organismes qui touchent directement ou indirectement au tourisme. Depuis quelques années, ATR associées du Québec et l’AQIT collaborent pour scruter les colonnes de chiffres de chaque nouveau budget, mais le défi est souvent de savoir lire entre les lignes.
Là où je veux en venir, c’est que cette analyse aussi minutieuse qu’elle peut être doit éviter de se laisser aveugler par tous ces chiffres, particulièrement dans un budget de transition, prélude à un second. Et qui, selon toute vraisemblance devrait être des plus exigeants afin d’en arriver à un équilibre entre les dépenses et les revenus de l’État.
Pour le budget du 4 juin, c’est surtout l’appareil administratif du gouvernement qui aura été mis à contribution, mais dès l’adoption de celui-ci les mesures annoncées seront mises en place, dont la création de la Commission permanente sur la révision des programmes et celle sur la révision de la fiscalité au Québec. De plus, comme l’ont mentionné à peu près tous les ministres du gouvernement libéral, les efforts pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire en 2015-2016 et pour sortir du cycle des déficits structurels au Québec, devront être partagés par tous.
Il faudra donc être très attentif au contenu du discours du budget et poser des questions aux ministres concernés, en l’occurrence Mme Vien, pour tenter de mieux saisir tous les tenants et aboutissants du budget du 4 juin ou en d’autres termes; l’équilibre entre le contrôle des dépenses et la relance de l’économie. Mais aussi et surtout, sur les éléments dits de «transition» vers 2015-2016 que va contenir le budget.
Tout un défi
À cette étape-ci, j’aimerais préciser que je suis de ceux qui sont convaincus que la situation des finances au Québec mérite toute notre attention afin d’assurer la pérennité du modèle québécois. Toutefois, là où nous devons tous demeurer vigilants c’est sur la manière que le gouvernement s’y prendra pour atteindre ses objectifs. Fin de la parenthèse.
Quand la ministre du Tourisme mentionne qu’elle a «aussi le mandat de représenter les contribuables du Québec», c’est une vérité de La Palice. Nos politiciennes et politiciens doivent aussi toujours garder à l’esprit que ce sont les citoyens qui inventent leur cité et qu’ils en sont les propriétaires, comme nous le rappelle l’auteur et journaliste Gil Courtemanche dans son livre, La Seconde Révolution tranquille (Boréal, 2003).
La ministre de la Famille, Mme Francine Charbonneau, se l’est fait rappeler de belle façon, quand elle a annoncé, au nom des contribuables, un moratoire sur l’ouverture de nouvelles garderies pour ensuite se raviser 48 heures plus tard à cause des pressions qui sont venues de toutes parts, dont celles des citoyens.
Nous sommes tous des citoyens et des contribuables cela va de soi, mais selon le chapeau que nous portons nos attentes peuvent être différentes et même parfois contradictoires. La majorité des citoyens du Québec veulent protéger les acquis du modèle québécois, tandis que le contribuable québécois appuie de plus en plus la réduction des dépenses et des programmes tous azimuts de l’État, mais sans que cela affecte toutefois son quotidien. Tout un dilemme pour n’importe quel parti politique.
C’est cette dichotomie entre les attentes du citoyen et celles du contribuable qui représentera tout un défi pour le gouvernement lorsqu’il reverra ses programmes et le modèle d’intervention de l’État.
En tourisme, comme dans les autres secteurs d’activités, la même vigilance devrait être de mise de la part du gouvernement. Comment concilier les attentes des contribuables sur le contrôle des dépenses avec la nécessité d’investir dans un secteur d’activité comme le tourisme qui représente des centaines de milliers d’emplois dans toutes les régions du Québec et qui génère d’importants revenus fiscaux à l’État, et ce au profit de ces mêmes contribuables?
La suite
C’est un premier texte prébudgétaire, d’autres suivront d’ici le 4 juin sur des options qui s’offrent au gouvernement.