Quelle campagne électorale! Alors que nous demandions à nos élus de faire de la politique autrement, il y en a certains qui ont confondu le message en faisant plutôt une campagne électorale « autrement », avec les égarements que cela peut engendrer. Alors que le Québec tarde à retirer son blanc manteau, couleur qui aurait dû en inspirer plusieurs. Là encore, ils ont mal interprété le message en tentant de démontrer qui lave plus blanc que blanc, en utilisant un javellisant qui fait parfois fait plus de ravage que de lavage.
Et le tourisme dans tout ça!
Il y a dix-huit mois, en me basant sur une grille d’analyse des plateformes électorales de l’AQIT, j’avais mis en relief les intentions, quand il y en avait, des différents partis en matière touristique. Je tente une nouvelle fois l’expérience, mais cette fois-ci en solo. Vous retrouverez donc un lien vers un tableau qui regroupe les principaux engagements de cinq partis (PQ, PLQ, CAQ, QS et ON) en matière touristique. Cette année, je ratisse plus large en allant piger dans les programmes des partis ou dans des annonces faites dans les mois précédents le lancement de la campagne, de même que dans le livre de François Legault. Je vous fais remarquer que cet article est parsemé de nombreuses références pour lesquelles vous retrouverez les sources à la toute fin du texte.
Dix-huit mois plus tard, le tourisme semble mieux s’en tirer, faut dire qu’on partait de loin et ce n’est pas peu dire. Sans l’ombre d’un doute, le tourisme prend de plus en plus de place dans les stratégies de développement des principaux partis, et ce depuis 2012. C’est à nous de nous assurer que cela sera toujours le cas et que nos dirigeants focaliseront sur les véritables enjeux.
Note préalable
Indépendamment du parti qui sera à la tête du gouvernement au lendemain des élections du 7 avril, ceux-ci ont abordé l’importance du contrôle des dépenses lors de la campagne. Donc, les pressions seront très fortes sur les élus pour un contrôle beaucoup plus serré de celles-ci. C’est pourquoi les engagements de tout un chacun doivent être considérés en fonction de la capacité réelle de l’État d’en assumer les coûts.
LES ENGAGEMENTS
Le Saint-Laurent au cœur des engagements
C’est à croire que les trois principaux partis se sont passé le mot, le Saint-Laurent est devenu le Saint des Saints du développement touristique au Québec. Pour le Parti Québécois (PQ), c’est la Stratégie pour la mise en valeur du Saint-Laurent, tandis que pour le Parti Libéral du Québec (PLQ), il s’agit de la Stratégie maritime et pour la Coalition Avenir Québec (CAQ), c’est le Projet Saint-Laurent, rien de moins. Je n’ai pas l’intention de revenir sur les détails de ces trois stratégies, car celles-ci ont été largement analysées et commentées dans des articles qui ont été publiés dans TourismExpress. (Voir les références à la fin du texte)
Avant de continuer, réglons toute suite les cas de Québec solidaire et d’Option nationale. Pour QS le tourisme n’est pas mentionné une fois, comme d’ailleurs la quasi-totalité des industries. Chez Option nationale le tourisme est mentionné une seule fois, mais comme s’il manquait un mot pour finir une phrase. Excusez là!
C’est le PQ qui a le plus étoffé ses intentions en matière touristique, ce qui est d’ailleurs souvent le cas pour le parti au pouvoir. Sans que cela soit clairement mentionné, il est évident que le PQ a l’intention de mettre en œuvre les éléments touristiques de sa Politique Priorité emploi, qui prévoyait 225M$ juste avant le déclenchement des élections.
Investissement Québec division Tourisme (IQ Tourisme)
Pas de doute, les oreilles doivent leur ciller par les temps qui courent, car les trois partis ont des engagements pour eux. Pour le PQ et le PLQ, cela consiste à poursuivre ce qui a été commencé avec le PADAT (85M$ sur 5 ans).
La CAQ a d’autres projets pour IQ Tourisme en créant Destination Saint-Laurent qui serait en quelque sorte un PADAT avec des paramètres similaires, mais s’adressant plus spécifiquement aux produits touristiques dans les régions bordant…vous l’aurez deviné, le Saint-Laurent. Plus précisément, M. Legault mentionne le circuit Jacques-Cartier (CJC) qui devrait faire le lien entre les produits touristiques des deux rives du Saint-Laurent. D’ailleurs, l’annonce dimanche passé, sur l’intention de la CAQ de concentrer ses efforts d’investissements sur le circuit Jacques-Cartier en a fait sursauter plusieurs dans le milieu. Certains qualifiant cette stratégie « d’insultante » tout en démontrant une méconnaissance de la dynamique de l’industrie.
Sur ce point, M. Legault aurait été mieux avisé de prendre connaissance des travaux d’un sous-groupe de travail du Plan de développement de l’industrie touristique (PDIT 2012-2020). Celui-ci a mis en évidence le potentiel et le pouvoir d’attraction des destinations touristiques régionales. Le constat est évident, elles ne sont pas toutes dans l’axe des autoroutes 20 et 40 et sont même parfois loin des affluents du fleuve. (Chapitre 4 et annexe VII du PDIT).
Autres engagements touristiques
Autant le PQ que le PLQ entendent supporter Montréal pour son 375e anniversaire et Québec dans ses priorités en matière touristique.
Le Parti Québécois s’engage aussi à appuyer la constitution d’un réseau d’aéroports régionaux, tout en supportant Montréal pour le développement de nouvelles liaisons aériennes à l’international. De plus, un gouvernement du Parti québécois va favoriser un réseau de haltes routières répondant aux besoins des touristes québécois et étrangers.
Un guichet unique pour les entreprises et l’entrepreneuriat
Au chapitre des engagements pour les entreprises, il y en a définitivement pour tous les goûts, que vous soyez employés ou employeurs, de la gauche ou de la droite, vous y trouverez votre compte.
Il y a toutefois une forme de consensus vers la mise en place du fameux guichet unique pour les entreprises attendu depuis l’époque de Mathusalem. Le PQ, le PLQ, la CAQ et l’ON s’engagent à le mettre en place. Tous prévoient l’utilisation d’une manière ou d’une autre d’Investissement Québec pour y arriver. Le Parti Libéral pousse sa proposition plus loin avec la création du dossier unique pour l’entrepreneur. Il s’agit de lui simplifier la tâche en lui accordant une personne ressource pour toutes les questions administratives relatives à son entreprise.
Les trois partis souverainistes (PQ, QS et ON) proposent tous la création d’une banque. Dans le cas du Parti Québécois, il revient à la charge avec la création de la Banque de développement économique du Québec (BDEQ), dont l’objectif est d’offrir un service personnalisé et décentralisé aux entreprises dans chacune des régions du Québec. Le projet a dû être abandonné lors de la dernière session parlementaire à cause des sérieuses divergences entre les partis en Commission parlementaire. Option nationale présente aussi un projet similaire, tandis que la « Banque publique » de Québec solidaire est d’une tout autre mouture.
Les 5 partis s’engagent à réviser la fiscalité des entreprises, mais pas tous pour les mêmes raisons. Pour QS c’est pour que les entreprises paient leur part du financement de l’État. Pour le PQ et l’ON il s’agit de stimuler l’investissement, tandis que le PLQ désire faciliter le transfert d’entreprises intergénérationnelles.
La CAQ et le PQ ont tous les deux l’intention de mettre en place une politique de l’entrepreneuriat pour accompagner la relève et favoriser l’émergence de nouvelles entreprises. Alors que le PLQ veut créer Démarrage-Québec afin d’attirer des entrepreneurs étrangers.
Au niveau de la main d’œuvre, le Parti Québécois s’engage à favoriser le partage de la main d’œuvre saisonnière entre les entreprises d’une région afin contrer la loi fédérale sur l’assurance-emploi dans les secteurs saisonniers. Québec solidaire n’est pas en reste, en s’engageant à réviser les normes du travail, pour y introduire toute une série de mesures à l’avantage des employés. De plus, QS propose plusieurs mesures pour protéger les employés et les investissements du gouvernement dans le cas de fermeture et de délocalisation d’entreprises.
La culture
Les engagements en matière culturelle sont bien minces, voire inexistants dans le cas du PLQ (au 1er avril).
- Pour les quatre autres partis, le support à la promotion de la culture au Québec et à l’étranger demeure une priorité;
- Le PQ et Option nationale (ON) s’engagent à investir dans le réseau muséal du Québec;
- Québec solidaire (QS) et l’ON proposent d’initier davantage les étudiants du primaire et du secondaire à la culture québécoise en assistant à des spectacles et par la visite de musées. Un engagement intéressant pour les entreprises et organismes qui ciblent la clientèle scolaire.
La gouvernance en deux mots; contrôle et décentralisation
Les engagements en matière de gouvernance publique sont largement teintés par deux principaux enjeux; la décentralisation vers les régions et/ou une révision du modèle des relations et de gouvernance entre le gouvernement et les municipalités (les 5 partis). De plus, le PQ, le PLQ et la CAQ, ciblent le contrôle des dépenses.
Le PQ et le PLQ, chacun à leur manière, veulent instaurer un mécanisme permanent de révision des services publics et des programmes. Au PQ s’ajoute une volonté de continuer à moduler les programmes de l’État en fonction des besoins des régions.
Au niveau du contrôle des dépenses de l’appareil public, celles-ci ne pourront pas croître de plus de 2% au PQ et 3% au PLQ. De plus, le PLQ s’engage à un gel des crédits des ministères pendant 5 ans, sauf pour la santé et l’éducation. La CAQ de son côté propose un gel du nombre total des employés de l’État pendant 4 ans.
Je ne risque guère de me tromper en affirmant que tous les gouvernements à travers la planète ont déjà imposé des mesures mur-à-mur, de coupure ou d’un gel des dépenses et du nombre d’employés, au sein de l’appareil public. Mon avis est que si cette approche peut avoir un effet sur les finances publiques à court terme, le naturel revient rapidement au galop. N’y a-t-il pas en effet, une dichotomie entre la volonté de mettre en place des mesures de contrôle des dépenses « coast to coast » et la volonté d’adapter des services de l’État en fonction du contexte socio-économique qui prévaut et des besoins particuliers des différents partenaires et clientèles de l’État. On jase là!
Sources :
Articles sur les stratégies pour le Saint-Laurent :
Deux articles de Jean-Michel Perron :
Trois articles de Louis Rome :
1) http://louisrome.com/le-saint-laurent-enjeu-economique-politique/#more-602
2) http://louisrome.com/la-strategie-maritime-du-plq-le-tourisme/#more-623
3) http://louisrome.com/projet-saint-laurent-francois-legault-tourisme-changement-cap-pas/#more-504
Autres articles :
Deux articles sur la BDEQ, par Louis Rome :
1) http://louisrome.com/la-gouvernance-regionale-au-quebec-dimportants-changements/#more-82
La politique Priorité emploi :
http://tourismexpress.com/nouvelles/des-investissements-majeurs-pour-l-industrie-touristique
Les deux stratégies récemment déposées par le gouvernement :
Mise en valeur du Saint-Laurent :
Mise en valeur du tourisme hivernal :
Liens vers les sites des partis politiques
Coalition Avenir Québec : http://coalitionavenirquebec.org/
Option nationale : http://www.optionnationale.org/
Parti Libéral du Québec : http://www.plq.org/
Parti Québécois : http://pq.org/
Québec solidaire : http://www.quebecsolidaire.net/
Quel bon texte comme cela est ton habitude. J’aurais aimer lire ta position sur le saupoudrage de M. Legault. Crois-tu que le PLQ a la même vison du réseau des ATR et sectoriels ?
Mario, je vais te revenir sur ces points. Mais tout de go, je crois que Legault ne saisit pas la dynamique de l’industrie et les défis du développement régional. Du moins, son analyse est trop sommaire. Je crois en effet qu’il y a du saupoudrage comme d’ailleurs dans la majorité des industries. Mais ce « saupoudrage » n’est pas toujours inefficace. Parfois, de petites sommes dans une localité ou une région peuvent faire des miracles. Parfois, il y du « saupoudrage » de grande envergure prenons par exemple l’erreur de l’usine de la Gaspésia. Pas simple tout cela. Mais comme mentionné dans mon texte, une piste de solution consiste aux travaux réalisé sur la caractérisation du territoire (PDIT chapitre 4 et Annexe VII). Cette approche de qualification du territoire permet de « quantifier » les investissements afin de maximiser les retombées économiques, mais aussi sociales. Toutefois, cet exercice de caractérisation du territoire ne doit pas être utilisé comme un dogme, le mur-à-mur est le pire ennemi du développement régional.